Après avoir passé toute sa vie à lutter contre son poids et à être mal dans sa peau, Patricia Eagles a un conseil important à transmettre, celui de ne jamais perdre l’espoir de guérir.
Un médecin l’ayant fait sentir grosse alors qu’elle n’avait que huit ans, Patricia allait tout faire par la suite pour lui donner raison. Tout à coup, elle s’est mise à se regarder différemment, se comparant toujours à sa meilleure amie et à son frère maigrichons. Elle a juré de perdre un kilo. Et son échec a enclenché une vie entière de combats, non seulement avec son poids et la nourriture, mais aussi avec son estime de soi et sa santé mentale. Voici son histoire.
Cet entretien a été édité par souci de clarté et de concision.
Je me vois à huit ans assise entre mon frère et ma meilleure amie, à comparer nos cuisses et à penser que les miennes étaient énormes. Je n’étais pas grasse, mais je n’étais pas mince. J’étais très grande pour mon âge et j’avais des jambes fortes. J’ai atteint la puberté et commencé à porter un soutien-gorge à un âge précoce. Personne d’autre dans ma classe ne portait de soutien-gorge, alors je me sentais toujours grosse.
À peu près à cette époque, ma mère m’avait amenée chez le médecin pour un bilan annuel et j’ai entendu le médecin lui dire que ça ne me ferait pas de tort de perdre deux livres. Ma mère a pensé que c’était absurde et n’en a pas fait de cas, mais moi, j’ai pris cette remarque au sérieux et me suis mise au régime. Toutefois, je n’ai pas perdu les deux livres et je m’en suis voulu énormément. Par la suite, je me sentais grosse et j’essayais toujours de maigrir. Je ne crois pas que mes parents se soient rendu compte de ce que je ressentais car je n’ai rien dit à personne.
Dans les années 1970, nous avons quitté Montréal pour emménager à Calgary, et ma mère m’a envoyée à l’école vêtue d’une tunique. C’est ce que nous portions à Montréal, mais à Calgary, les filles portaient des jeans. Toute la classe s’est esclaffée quand j’ai franchi la porte. Il y avait une poupée populaire à l’époque nommée Fatsy-Patsy. Mon nom est Patricia, mais tout le monde m’appelait Patsy, et j’étais à un pas de me faire appeler Fatsy-Patsy. Quand nous sommes déménagés à Toronto, il y avait deux garçons qui me suivaient jusqu’à la maison et qui me traitaient de « baleine », d’« ancre ». Je ne pleurais pas devant eux – je faisais semblant de ne pas entendre.
J’avais également cette perception quand j’étais au secondaire que je devais être mince. Parce que je pensais que j’avais un excès de poids, j’essayais constamment des régimes amaigrissants, mais quand je me regarde sur les photos prises à l’école secondaire, je n’avais probablement pas besoin de perdre du poids. J’étais active, je faisais de la course, des choses du genre. Une grande partie du problème venait de la piètre image que j’avais de moi, et je l’ai en quelque sorte provoqué : j’ai fait une dépression chronique, vers 16 ou 17 ans je crois. Au début de la trentaine, la situation a empiré, et c’est là que j’ai vraiment commencé à bouffer. J’ai pris environ 100 livres en un an. Je m’empiffrais de tablettes de chocolat, de pâtes, de fromage, de pain, de fritures, de pizza. Je mangeais également des aliments sains, mais sans excès. C’était une sorte d’autotraitement. Ensuite, j’essayais d’arrêter de manger; j’avais une faim de loup, alors, je me gavais. J’ai atteint 310 livres – je pèse environ 60 livres de moins maintenant. J’ai maigri à plusieurs reprises, de 60 à 70 livres, mais tout le poids est revenu.
« Je m’empêchais d’aller dans les manèges de peur que la barre ne ferme pas. »
J’allais souvent dans les parcs d’amusement avec mes neveux, mais je refusais de monter dans les manèges parce que j’avais peur que la barre ne ferme pas sous mon excès de poids et d’avoir honte. Mes amies et moi allions dans des clubs et personne ne m’invitait à danser. C’est dur si on n’a pas le physique convoité. Mais je crois que la façon de se présenter est aussi importante. Si on n’a pas confiance en soi, les gens ne vous choisissent pas. J’ai toujours supposé que c’était à cause de mon apparence, mais ça n’avait peut-être pas grand-chose à voir.
Un jour, j’étais dans un supermarché tard le soir et je m’apprêtais à payer lorsque deux dames m’ont demandé de passer avant moi. En temps normal, j’aurais accepté, mais ce soir-là, j’étais vraiment fatiguée après avoir enseigné toute la journée. C’était la première fois de ma vie que je disais non. Elles ont commencé à me harceler en me disant des choses du genre « Quelle est cette mauvaise odeur? Les gros sont tellement paresseux ». Elles parlaient tellement fort; tout le monde dans l’épicerie pouvait les entendre. Je n’ai rien dit, sauf pour leur demander pourquoi elles étaient si cruelles. J’aurais dû réagir davantage, mais j’étais tellement gênée.
Elles étaient comme tellement d’autres qui pensent que les personnes en surpoids sont paresseuses et n’ont aucune maîtrise de soi, qu’elles se négligent, ne sont pas en forme et ne font pas d’exercice. Or, jusqu’il y a environ huit ans, j’étais en excellente santé. Je faisais de l’exercice, je m’entraînais. Même à 250 livres, je faisais du jogging, de la randonnée, du canot, de la musculation. J’étais en très bonne condition physique, compte tenu de mon poids. Puis, j’ai commencé à faire de l’arthrite aux genoux et tout a changé. On m’a dit il y a trois ans que j’avais besoin de genoux artificiels. J’essaie de maigrir un peu car je ne veux pas mettre trop de poids sur mes nouveaux genoux.
J’ai fréquenté WeightWatchers par intermittence pendant des années. Ces centres sont souvent dénigrés, mais leur philosophie est plus en harmonie maintenant avec ce que j’apprends – que chaque être est différent, qu’il n’y a pas une seule réponse ou une seule façon de faire les choses.
Je pense qu’il est très important de trouver du soutien. C’est ce qui me manquait. Je n’avais jamais aimé les groupes, mais tout a changé quand je me suis inscrite au programme 28 jours intensifs avec Sandra Elia. Elle venait de se joindre [événements interactifs] au mouvement de plaidoyer Parlons Obésité. Ce groupe offrait quelque chose de différent de ce que j’avais vu auparavant, et tout a commencé à se mettre en place. Je vois également une thérapeute pour ma dépression et elle m’a fait rencontrer un docteur en naturopathie.
Je veux que les gens sachent qu’il y a moyen de s’en sortir, qu’il y a espoir de guérison. Nous ne sommes ni brisés ni paresseux. Ce n’est pas notre faute. Bien sûr, j’ai choisi de mettre la nourriture dans ma bouche, mais il y a aussi beaucoup de choses que je ne peux pas changer. Cherchez de l’aide; n’essayez pas de tout faire vous-même, ce que j’ai fait pendant des années. J’ai appris à arrêter de m’autoflageller et de me déprécier. Apprenez d’abord à vous aimer et, surtout, quelle que soit votre silhouette, à vous respecter et à faire preuve d’indulgence envers vous-même comme vous le seriez envers les autres.
Cet article a été initialement rédigé par Robin Roberts et a été publié dans Healthing le 7 octobre 2022 en collaboration avec la communauté Parlons Obésité.