À l’arrière, de g. à dr. : Karen Chopra (sciences de la santé, Nestlé), Lisa Machado (Healthing), Jennifer Brown (diététiste et militante), Neda Nasseri (Desjardins), Dre Megha Poddar (spécialiste de l’obésité), Marsha Rosenberg (Novo Nordisk Canada), Patrick Manfred (TACT), Adam Marsella (Novo Nordisk Canada).
À l’avant, de g. à dr. : Rosemarie Childerhose (communication et politique, Parlons Obésité), Priti Chawla (directrice générale, Parlons Obésité), Sandra Elia (présidente, Parlons Obésité).
Parlons Obésité a convoqué une table ronde politique décisive le 2 juin 2023 pour se pencher sur le défi omniprésent de l’obésité et les options de traitement en Ontario. Le forum réunissait un groupe diversifié d’intervenants autour d’un but commun : explorer les stratégies de remboursement des traitements pharmacologiques de l’obésité dans la province et plaider pour leur optimisation et apporter diverses formes de soutien aux patients. Cet effort collaboratif visait à combler le fossé entre la situation actuelle de l’accessibilité des pharmacothérapies et le paysage idéal de soutien et de couverture pour les personnes aux prises avec l’obésité.
Afin de disséquer les multiples facettes de cet enjeu, les participants ont été divisés en deux grandes cohortes – perspective communautaire et perspective organisationnelle – pour favoriser une discussion ciblée et globale. La cohorte communautaire comprenait des associés de Parlons Obésité, des représentants des médias et une conseillère-thérapeute en dépendance alimentaire, chaque membre exposant ses vues sur les nuances sociétales et individuelles de l’obésité. La cohorte organisationnelle était composée d’experts en obésité, d’agents d’établissements de santé ainsi que de représentants des secteurs pharmaceutique, de l’assurance et de l’alimentation, apportant une vision plus institutionnelle sur le sujet.
La discussion s’est articulée autour de questions critiques visant à définir des solutions concrètes pour accélérer et optimiser l’accès aux traitements de l’obésité. Les deux groupes ont échangé sur les conditions essentielles et les services complémentaires nécessaires pour accroître l’efficacité des médicaments anti-obésité, les critères idéaux pour le remboursement et les objectifs réalistes de la progression du remboursement sur un horizon d’un ou deux ans.
Cette double approche assurait une exploration robuste de l’enjeu dans une perspective de proximité et sur le plan organisationnel, jetant les bases pour un plaidoyer stratégique et l’élaboration de politiques susceptibles de retentir sur la prise en charge de l’obésité en Ontario et potentiellement à l’échelle nationale.
Avant la tenue de l’événement, les participants ont été priés de répondre à un questionnaire exhaustif, dont les résultats ont été analysés et synthétisés dans une présentation sommaire pour orienter le débat. Les participants ont d’abord fait part de leurs opinions et de leurs suggestions en rapport avec leur domaine d’expertise, ce qui a ouvert la voie à une série de discussions ouvertes.
La table ronde sur le traitement de l’obésité en Ontario a mis en relief le besoin pressant de stratégies de traitement accessibles et efficaces face au taux grimpant d’obésité. Les participants ont examiné l’infrastructure actuelle lacunaire en matière de traitements, rappelant le décalage entre les stratégies de modification du mode de vie existantes et le besoin d’une pharmacothérapie subventionnée, de même que l’absence de soins intégrés. La stigmatisation sociale de l’obésité complique davantage le bien-être émotionnel des personnes touchées.
L’Ontario n’a pas de politique cohérente en matière de traitement de l’obésité chez l’adulte, malgré la prévalence croissante de l’obésité, qui a augmenté de façon spectaculaire depuis les années 1970. Les représentants de la perspective communautaire ont indiqué que même si les participants n’influencent peut-être pas directement la politique, il y a de l’espace pour façonner le discours et promouvoir la nécessité de traitements. Ils ont cerné les principaux enjeux concernant le remboursement, tels le sous-financement et le détournement potentiel de la pharmacothérapie à des fins esthétiques, mais ils ont également fait valoir les avantages sanitaires et économiques potentiels de stratégies de traitement efficaces.
Les discussions de groupe ont mis en évidence que les voix des patients sont souvent ignorées et qu’il y a une demande pour une plus grande transparence dans les processus de réglementation. La complexité de l’obésité en tant que maladie fait en sorte qu’il est difficile de démontrer les bienfaits globaux des traitements pharmacologiques. Les données actuelles n’influencent pas suffisamment les politiques car elles mettent l’accent sur la perte de poids et non sur les résultats d’ensemble en matière de santé et de rentabilité. Le coût des médicaments et le manque de données sur la survie à long terme au moment où la table ronde s’est tenue sont des facteurs clés qui ont empêché la démonstration de leur valeur.
Pour inciter les agences d’évaluation des technologies de la santé (ETS) à recommander un financement public, les arguments en faveur de traitements de l’obésité doivent être simplifiés et étayés par des preuves cliniques plus robustes. Une méthode de remboursement ciblé pourrait fournir un éventail d’options en adéquation avec les données disponibles les plus solides. Enfin, la discussion a fait ressortir l’important problème de la désinformation, qui paralyse les politiques. Une information claire et précise est essentielle à la mise en place d’un cadre politique solide pour le traitement de l’obésité.
Du côté de la perspective organisationnelle, les participants avaient le sentiment profond que même s’ils avaient une très bonne compréhension des politiques en matière de traitements de l’obésité, ils n’étaient pas directement engagés dans la prise de décisions mais pouvaient influencer les opinions par le biais du plaidoyer et du partage de données. Les principales raisons pour prioriser le traitement de l’obésité sont l’amélioration des paramètres de santé et la possibilité d’alléger le fardeau pour le système de santé. Cependant, des préoccupations ont été soulevées, notamment les problèmes d’accès associés à la comorbidité, l’augmentation des coûts et l’accent des politiques sur la prévention plutôt que sur le traitement. Les participants ont commenté que des possibilités de changement positif résidaient dans l’amélioration de l’accès à des aliments sains, la promotion d’initiatives éducatives et la création d’un précédent en Ontario pour le remboursement des médicaments en conformité avec les recommandations énoncées dans les lignes directrices canadiennes de pratique clinique sur l’obésité chez l’adulte.
Les participants ont souligné que la prise en charge de l’obésité nécessite une approche multidisciplinaire et que la pharmacothérapie seule ne suffit pas. Les payeurs privés hésitent à rembourser des traitements en l’absence de données robustes pour en justifier le coût et l’efficacité, ce qui rejoint le sentiment partagé du groupe que l’Ontario risque de traîner derrière d’autres régions dans la prévention des maladies chroniques. Le groupe a également remis en cause la validité de l’IMC comme mesure de l’obésité, suggérant que des indicateurs plus modernes pourraient influencer les décisions en matière de remboursement. Il a reconnu la nécessité de défendre la diversité, l’équité et l’inclusion dans le soutien à l’obésité et réclamé des interventions politiques pour améliorer la qualité des aliments et les mesures sanitaires en milieu de travail.
Les discussions ont mis en lumière que même si la mise en place d’une infrastructure nationale pour le traitement de l’obésité chez l’enfant et l’adulte est une entreprise colossale en raison de sa complexité, le recentrage sur les possibilités d’améliorer rapidement les résultats en matière de santé pourrait simplifier l’approche politique et accroître ses chances de succès.
Recommandations
Pour stimuler la mise en place d’un cadre politique efficace en matière d’obésité, une approche multidimensionnelle est préconisée. Cette approche implique de collaborer avec les médias pour partager les histoires poignantes de personnes touchées par l’obésité afin d’accroître la compréhension et l’acceptation sociale. La prise en charge des traitements de l’obésité devrait être sollicitée dans le cadre d’autorisations spéciales avec un suivi essentiel par les médecins de soins primaires ou des cliniques spécialisées. La mobilisation des personnes en situation d’obésité pourrait être renforcée par le recrutement de porte-parole influents capables d’unir et d’amplifier leurs voix.
Il faut élaborer un plaidoyer structuré, en particulier à des moments stratégiques où le gouvernement est susceptible d’être plus réceptif. On pourrait recadrer l’obésité comme aspect de la prévention secondaire à l’intérieur de politiques de santé existantes au lieu de proposer une infrastructure séparée. L’utilisation des médias sociaux, notamment des plateformes comme TikTok, pourrait interpeler le public et les décideurs. L’harmonisation avec des programmes éducatifs comme ceux de Parlons obésité et l’intégration de données provenant du monde réel pourraient soutenir les efforts de plaidoyer.
Parmi les autres recommandations, citons la création de modèles économiques pour démontrer le fardeau financier du non-traitement de l’obésité, selon les données issues du programme de chirurgie bariatrique en Ontario. En outre, d’autres mesures de l’obésité, comme le système de classification de l’obésité d’Edmonton, pourraient être de meilleurs indicateurs du niveau de soins requis. La mise à contribution de la communauté de professionnels de la santé existante et l’expansion des soins multidisciplinaires sont en adéquation avec les recommandations de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) et pourraient s’avérer plus efficaces que la création de nouvelles cliniques spécialisées.
La promotion d’un mode de vie plus sain par l’alimentation, l’exercice, les réformes juridiques et l’appui sociétal vise à prévenir l’obésité. Une intervention précoce avant la survenue de complications et la mise en place d’incitatifs pour amener les fournisseurs de soins à se focaliser sur les résultats de santé sont cruciales. En médecine familiale, un modèle de rémunération fondé sur la valeur avec des codes de facturation spécifiques pourrait faciliter la prise en charge optimale de l’obésité et des complications médicales qui y sont associées. Il est essentiel d’établir des schémas d’aiguillage et des parcours de traitement clairs pour améliorer les soins aux patients.
Prochaines étapes
Les prochaines démarches pour Parlons Obésité sont entre autres un examen approfondi des recommandations proposées pour créer une stratégie de plaidoyer et un plan d’action visant l’engagement des décideurs politiques de l’Ontario. Dans un premier temps, les priorités sont de mobiliser l’appui pour les traitements de l’obésité, de sécuriser le financement public et d’élaborer des politiques ciblées.
Il est impératif d’augmenter la capacité de réaliser des études et de collaborer à la recherche sur l’obésité, d’améliorer les politiques, d’accroître l’engagement communautaire et d’offrir une formation aux prestataires de soins sur les techniques sophistiquées de prise en charge de l’obésité. Pour ce faire, il est nécessaire de recueillir et d’analyser les données sur l’efficacité des diverses stratégies thérapeutiques existantes.
Il est également important d’exploiter les données provenant des programmes de Parlons Obésité en cours pour favoriser un dialogue plus éclairé avec les représentants du gouvernement et, par ricochet, rehausser les discussions sur les politiques avec l’éclairage des expériences vécues par les personnes en situation d’obésité en Ontario.
L’extension du modèle de table ronde sur la politique de l’obésité à d’autres grandes provinces est également envisagée. Cette démarche impliquera des consultations publiques avec des professionnels de la santé et de l’industrie et avec les patients, dans le but de poursuivre le dialogue et d’établir des politiques concernant les options de traitement de l’obésité dans l’ensemble du Canada.
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